Quand Catherine
Dorion de Québec Solidaire fait de la radio…
De tous les temps, la classe politique a eu besoin
des journalistes comme intermédiaires afin de pouvoir s’adresser à la
population.
À une certaine époque, les partis politiques
détenaient même des journaux dans leurs familles politiques respectives. C’est
ainsi qu’au tout début du 20ème siècle, le journal Le Canada(1903-1954) a appartenu à la
famille politique libérale. Il fut publié durant plus de 50 ans.
Le Montréal-Matin
(1930-1978) était la propriété de l’Union Nationale, et même de son chef qui
détenait un bloc d’actions important de l’entreprise.
Plus récemment, il faut rappeler que le journal
Le Jour (1974-1976) dirigé par Yves
Michaud avait été créé afin de favoriser l’option du Parti Québécois.
Les plus âgés se rappelleront également que
René Lévesque a détenu une chronique régulière au Journal de Montréal de 1966 à
1974, puis dans le quotidien Le Jour jusqu’en 1976, année de la prise du
pouvoir par le Parti Québécois.
La participation de la députée de Québec
solidaire Catherine Dorion à l’émission de Sylvain Bouchard du FM 93 à Québec,
n’est pas un phénomène isolé dans l’Histoire des médias au Québec.
Propager le « bon » message, c’est
ce qui guide la classe politique de toutes tendances.
À la fin des années ’70, nous sommes entrés,
dans une nouvelle ère, celle de la neutralité des médias, sauf pour les pages
éditoriales dans le cas des journaux. Les journalistes ont aussi été bousculés par
l’arrivée massive des conseillers en communication qui accompagnent pas à pas
les députés de toutes les formations politiques.
Or, la classe politique a toujours cherché à
contacter directement le public en contournant le filtre des journalistes qui
agissent comme intermédiaires entre le monde politique et la population. Cette relation parfois difficile entre médias
et la classe politique encourage cette dernière à outrepasser les journalistes.
À la fin de son premier mandat, Robert Bourassa avait même conçu des messages
en cassettes audio et vidéo destinées aux médias pour annoncer le déclenchement
des élections de 1976.
Plus récemment, d’autres politiciens en
exercice ont voulu s’adresser directement à la population. Le maire Denis
Coderre l’a fait chez TVA, à son émission « J’ai
une question Monsieur le maire ».
Au même moment, nous avons assisté à la
création des « clubs des ex. » qui se multiplient encore aujourd’hui sur
toutes les chaînes télé. Plusieurs médias privés ont aussi mis la table pour que
les anciens politiciens puissent se recycler en information. Parmi les plus
célèbres, Mario Dumont et Jean Lapierre ont pu développer une deuxième carrière
après la vie politique. Bernard Drainville, a aussi profité d’une telle
proposition.
Depuis l’arrivée incontournable des réseaux
sociaux, la classe politique n’a plus autant besoin des journalistes pour faire
passer son message. Pierre Karl Péladeau avait mené son entrée en politique sur
sa page Facebook. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont au centre de la
stratégie de communication de tous les membres de la classe politique. Parler
directement au public, c’est le message…
À certains égards, on peut presque se passer
des journalistes, si on le souhaite. Les journalistes ne sont plus seuls à
chasser la nouvelle. C’est ainsi qu’en juin 2015 Lisette Lapointe a annoncé la
mort de son conjoint Jacques Parizeau sur son compte Twitter et sa page
Facebook. Elle n’a pas contacté un journaliste.
N’étant plus seuls à chasser la nouvelle, les
journalistes doivent réfléchir à la place qu’ils et elles doivent jouer
dorénavant, ntamment dans la couverture de la politique.
Partout dans le monde occidental les réseaux
sociaux sont au service de la communication directe, de l’information… et de la
désinformation.
C’est Cogeco qui a fait cette proposition à
Catherine Dorion, la personnalité de l’heure de Québec solidaire. C’est un choix d’entreprise pour relancer son
média dans la course aux résultats d’écoute à Québec. On verra si ça
fonctionne.
Cela s’inscrit aussi dans l’esprit de polarisation
qui semble guider la communication d’aujourd’hui. En cette ère où les réseaux
sociaux contribuent à polariser les débats, l’univers des médias ne veut pas
être relégué à la voie d’évitement. On cherche de nouvelles recettes.
La confrontation hebdomadaire de la députée de
gauche Catherine Dorion avec l’animateur très à droite Sylvain Bouchard du
FM 93, s’inscrit dans cette tendance.
La relation historique, parfois houleuse entre
la classe politique et les médias, se poursuit...à la radio. À suivre, donc…
29 janvier 2019
Alain Saulnier
Professeur invité
Département de communication
Université de Montréal
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