vendredi 31 août 2018

Ma présentation à un panel en compagnie de Rachida Azdouz, Gérard Bouchard et Charles Taylor

Jeudi le 30 août, j'ai eu l'honneur et le privilège de participer à une discussion avec Rachida Azdouz, Charles Taylor et Gérard Bouchard à la Librairie du Square- Outremont. Tous les quatre avions participé à un colloque, en novembre dernier, pour marquer le dixième anniversaire de la Commission Bouchard-Taylor. L'organisatrice de l'événement, Solange Lefebvre de l'Université de Montréal en a tiré un livre publié aux Éditions Québec Amérique. Nous avons donc créé un événement/lancement à Librairie du Square- Outremont, avenue Bernard à Montréal. Panel avec Rachida Azdouz, Gérard Bouchard, Charles Taylor (Librairie du Square Outremont, 30 août) Dans ma présentation au colloque du 10ème anniversaire, je répondais à la question suivante: Les journalistes étaient-ils prêts à affronter la crise des accommodements raisonnables ? Je répondais : Non, et j’ajoutais qu’à mon avis, ils ne l'étaient toujours pas. Je dis la même chose aujourd’hui. On l’a constaté encore, il y a quelques mois, avec cette fausse histoire d’accommodements diffusée par TVA sur la Mosquée de Côte-des-Neiges et des entrepreneurs qui effectuaient des travaux tout près.
La direction de TVA s’en est excusé. J’avais dit et je le redis, qu’aujourd’hui le journalisme est généralement plus en mode réaction qu’en mode réflexion. On fait trop du journalisme de surface sur les questions importantes d’interculturalisme, d’identité, d’immigration comme sur bien d’autres sujets d’ailleurs. J’y reviendrai plus loin. En ce sens, je rejoins certaines critiques du rapport Bouchard-Taylor sur les médias. Prenons un exemple tout récent. Le 19 juin dernier le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) a publié un sondage qui indiquait que les gens étaient plus inquiets de l’immigration que de la pollution de l’air et de l’eau.(souligné par moi). Je cite : « Les Québécois associent un risque plus grand à l’immigration qu’à la pollution de l’air et de l’eau,…indique le Baromètre CIRANO 2018 Précisément, 48 % des 1000 personnes sondées associent à un « grand » ou à un « très grand » risque l’arrivée de dizaines de milliers d’immigrants par année au Québec ; 28 % à un « moyen » risque et 22 % à un risque « faible » ou « négligeable ». 1) Que nous disent ces résultats ? Que les journalistes devraient chercher à savoir qu’est-ce qui se cache derrière cette inquiétude des québécois.es. Peut-on documenter, creuser cette information ? Chercher les faits dans ce dossier au lieu d’y aller en mode réaction ? Comme on le fait trop souvent dès qu’un événement lié à l’immigration survient ou lorsqu’une demande d’accommodements raisonnables relance le débat? Quelle est la situation actuelle de l’immigration au Québec ? Les chiffres documentés? Leur évolution au fil des années ? Cherchons à comprendre pourquoi cette crainte existe ? Notre rôle n’est-il pas de vérifier les faits ? Réfuter les propos de ceux et de celles qui disent des faussetés à ce sujet ? 2)De tels résultats nous interpellent aussi autrement. Nous devrions en effet nous demander pourquoi les gens négligent des préoccupations plus inquiétantes. Par exemple, les dangers liés aux changements climatiques. La calotte glaciaire de l’Arctique fond à une telle vitesse, que tous les savants et chercheurs du monde lancent aujourd’hui un cri d’alarme. Il y a deux jours le ministre Français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a démissionné en lançant un grand cri du coeur: la planète est en danger… Je ne veux rien banaliser, mais au Québec, nous avons peur de …l’immigration…et moins de la pollution de l’eau et de l’air, voire même des changements climatiques ? Trouvez l’erreur… Quel rôle les médias jouent-ils dans cette distorsion de la réalité ? Matière à réflexion. C’est pourtant la préoccupation principale des 18-34 ans. En parler, n’est-ce d’ailleurs pas la meilleure façon de les inviter à voter davantage ? Sans compter qu’il y aurait un lien à faire entre les changements climatiques et les mouvements migratoires de population qui s’ensuivront à travers le monde. Trop de journalisme de réaction, donc pas assez de réflexion. Mais soyons clair, j’aime les journalistes. J’en forme, année après année, depuis six ans. Mais ça ne m’empêche pas de constater qu’on pratique trop de journalisme de surface. Par exemple, puisque nous sommes en campagne électorale, débordons sur d’autres sujets. Voici quelques questions que nous pourrions aborder avec les partis politiques : 1)Quelle contribution concrète, comptez-vous faire pour améliorer la lutte aux changements climatiques puisque la planète est en danger? Que fera votre gouvernement pour mettre l’épaule à la roue ? (En passant, belle initiative le 28 août au Téléjournal de Patrice Roy à Radio-Canada, on y a tenu un premier débat sur l’enjeu de l’environnement) 2)J’ai aussi lu cet été la nouvelle suivante encore à Radio-Canada : on y disait que, et je cite : « neuf entreprises, dont Eaux vives Water (Eska), ont puisé 2 084 284 500 litres d'eau potable au Québec en 2017, et ont versé des redevances de 145 899,92 $, lors de cette même année, au gouvernement du Québec. Et puis, c’est tout, la nouvelle est disparue du radar. Posons alors la question aux partis politiques : Que dit votre programme à cet égard? N’est-ce pas une de nos principales ressources, l’eau potable? Notre plus grand bien collectif? (Ça nous changerait des interminables discussions sur la candidate Gertrude Bourdon…) J'ouvre une parenthèse. En visite l'année dernière en Chine, un de nos interprètes nous a lancé un jour, "on dit, nous en Chine, que la prochaine guerre mondiale sera la guerre de l'eau..." Notre groupe composé de québécois est resté figé après un tel commentaire, car nous savons à quel point de l'eau, il y en a en abondance au Québec. Fin de la parenthèse. 3)Autre question à poser en campagne électorale : on a longuement parlé d’évasion fiscale et de paradis fiscaux depuis les dernières années. Les « Panama Papers » et autres révélations ont fait la une. Donc, questions aux chefs de partis : pouvez-vous nous dire si vous, ou des membres de vos équipes, pratiquent encore ou ont largement eu recours à l’évasion fiscale ? Y en a-t-il qui ont placé une partie de leurs avoirs dans des paradis fiscaux ? Pouvez-vous le vérifier? 4)Et pour terminer, lorsqu’un parti politique lancera un autre pavé dans la mare du dossier de l’immigration, que feront les journalistes ? Relayer sans esprit critique ce nouveau pavé ? Contribuer à la distorsion de la réalité…? Mode réflexion, pas juste mode réaction. Bref, il faut plus de journalisme en profondeur. Sur l’immigration, les changements climatiques, l’évasion fiscale, sur les changements démographiques au Québec, également sur ces mouvements migratoires partout dans le monde de populations qui deviendront un jour pas si loin des réfugiés «climatiques ». Enfin, comprendre aussi cette fracture entre les perceptions vues de Montréal comparativement au reste du Québec. Le plus grand défi, c’est de contrer la désinformation, en tout temps. C’est le combat extrême de ce siècle. Il ne s’agit pas seulement de contrer les « Fake news ». En fait, les médias devront produire davantage d’enquête, produire des nouvelles exclusives qui s’appuient sur des faits bien documentés et qui poussent à la réflexion. Ne pas se limiter à n’être qu’un relais de l’information, en mode réaction. Aider les gens à comprendre l’actualité et enrichir le niveau des débats de la société québécoise. Ça signifie donc, combattre le journalisme « paresseux ».
Alain Saulnier
Professeur invité, département de communication DESS en journalisme, Université de Montréal,
30 août.

lundi 27 août 2018

Les médias de Québecor attaquent la liberté d'expression du Conseil de presse du Québec

Que cherchent les médias de Québecor ? La disparition du Conseil de Presse du Québec ? Les médias du groupe Québecor ont déposé, il y a quelques jours, une demande d’injonction permanente contre le Conseil de Presse du Québec et lui réclament 200,000$ en dommages pour deux décisions récentes qui auraient porté atteinte prétend-on à la réputation du Journal de Montréal. C’est que la direction de ces médias n’accorde pas au CPQ le droit d’émettre des décisions et des blâmes contre ses journalistes et ses chroniqueurs. Étonnante décision de Québecor... Les médias n’ont-ils pas précisément le devoir de favoriser la liberté d’expression et donc, de la critique ? Il reste que les médias de Québecor sont à couteaux tirés avec le CPQ. En juin 2010 ils se sont d’abord retirés comme membres du Conseil de Presse. Et aujourd’hui, ils lui refusent le droit de s’exprimer librement sur le travail de ses journalistes et de ses chroniqueurs. Ce qui a mis le feu aux poudres, ce sont deux décisions récentes du Tribunal d’honneur du Conseil de presse contre un texte du Journal de Montréal et une chronique de Richard Martineau. Sans débattre du bienfondé ou non de ces décisions, il reste que cette demande d’injonction permanente des médias de Québecor vise clairement à museler le Conseil de Presse du Québec et à restreindre la portée de son rôle au Québec. Plus précisément, voilà un média qui refuse à un individu ou à un collectif le droit de critiquer ses contenus. C’est carrément une atteinte à la liberté d’expression ! Le Conseil de Presse est né en 1973 de la volonté des journalistes, de la directions des médias et de membres du public de se doter d’un Tribunal d’honneur afin d’améliorer la qualité du travail journalistique au Québec. C’est un organisme à adhésion volontaire et surtout indépendant, comme il se doit, du gouvernement du Québec. Le rôle de cet organisme a été utile depuis 45 ans. Certes, il y a eu des ratés en cours de route, mais le CPQ reste un organisme essentiel. On ne peut pas encourager la liberté de presse au Québec sans une forme indépendante d’autorégulation des médias et des journalistes. C’est là l’originalité du Conseil de Presse. J’ai moi-même été très critique à l’égard du Conseil de Presse du Québec lorsque je présidais la FPJQ au début des années ’90 et par la suite comme directeur général de l’information à Radio-Canada (2006-2012). Mais ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain. Cette invraisemblable demande d’injonction de Québecor est clairement une atteinte à la liberté d’expression. J’insiste, n’est-ce pas étonnant que cette demande provienne d’un média qui doit précisément défendre la liberté d’expression? Les recours habituels existent toujours si une critique est jugée discriminatoire. Ce sera à un tribunal d’en juger. Mais s’il n’y a pas diffamation, pourquoi un média devrait-il restreindre la liberté d’expression d’un de ses lecteurs critique, ou de celle d’un organisme comme le Conseil de Presse ? Que souhaitent les médias de Québecor ? Restreindre la liberté d’expression? La fin du Conseil de Presse du Québec? Avec quelle conséquence ? Une invitation à une intervention gouvernementale qui établirait son propre tribunal administratif sur le métier ? J’en vois déjà qui salivent à cette idée. Alain Saulnier Professeur invité Département de communication Université de Montréal

Merci 2022. Place à 2023

  Merci 2022! En janvier, je mettais fin à dix années comme professeur au DESS en journalisme à l’Université de Montréal. 2022 restera une a...