Nous avons perdu la notion du temps. Pourtant, le temps passe. Malheureusement, pas assez vite pour mettre le confinement derrière nous. D’autre fois, on doit faire un effort pour retracer la chronologie des mauvaises nouvelles. Avec raison, on n’oublie pas celles qui concernent la population et la santé publique.
Mais on ne se rappelle déjà plus des mauvaises nouvelles qui concernent les médias.
Il y a trois semaines, la fragile entreprise CN2i (anciennement les quotidiens du groupe Capitales Médias), annonçait que 143 personnes allaient perdre temporairement leurs emplois. On suspendait également la publication des quotidiens en semaine.
La même semaine, plusieurs hebdos régionaux mettaient à pied les rares journalistes qui sillonnent le territoire du Québec, comme en Gaspésie.
Ce fut ensuite le tour du Magazine Voir d’emboîter le pas avec d’autres pertes d’emploi.
Puis, il y a deux semaines, La Presse+ imposait une diminution des salaires de 10% pour ses 450 employés, et ce, jusqu’au31 décembre 2021 ! Vous avez bien lu, pas décembre 2020, mais 2021.
De son côté, COGECO a mis à pied 130 personnes, soit 25% de son effectif. On a même suspendu la programmation locale dans certaines stations Rythme FM (Trois-Rivières et Sherbrooke)
Toujours il y a quinze jours, Québecor mettait à pied 1000 employés, soit 10 % de son personnel, pour deux mois. C’était avant le prolongement de la période de « pause » imposé cette semaine par le gouvernement du Québec.
Chez Métro-Média (propriétaire du quotidien Métro), on a annoncé que 40% des employés de ses 26 journaux allaient être mis à pied.
Et enfin, URBANIA a imposé une baisse de 20% des salaires à ses employés en plus d’en mettre six à pied.
Peut-on parler d’hécatombe ? Je le crois.
Un oubli, la Presse canadienne
Dans ce triste bilan, on a oublié de parler d’un joueur important, l’agence de la Presse canadienne. Le public est trop peu conscient que sans la Presse canadienne (PC), on ne peut plus offrir de l’information, sept jours sur sept, au pays. Les quelques médias qui ont des éditions week-end ne pourraient pas publier sans le soutien de la PC.
L’agence complète bien la configuration des journalistes sur le territoire. Là où ne sont pas les grands et petits médias, la Presse canadienne se charge de combler les besoins en les alimentant en informations.
C’est ainsi que plusieurs quotidiens de CN2i (anciennement Capitales Médias) comptent sur la PC pour couvrir les activités gouvernementales à l’Assemblée nationale et au Parlement canadien.
Même Radio-Canada et COGECO ne couvrent pas toutes les régions avec des journalistes locaux. Comment faire pour obtenir de l’information locale si on habite dans un coin isolé de la Gaspésie ou de l’Abitibi ? C’est ce rôle que joue la PC.
En temps normal, la Presse canadienne complète bien l’écosystème des médias au Québec. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’agence est affaiblie par la situation acuelle.
Pourtant, nous avons besoin de bien plus que des points de presse quotidiens en direct des premiers ministres pour être bien informés. Nous vivons un moment unique de notre Histoire, un contexte où il faut une information complète, de la transparence, de l’information sur le terrain et de la vérification des faits.
Pendant que certains médias luttent pour leur survie, la Presse canadienne, l’agence qui nourrit ces médias, se meurt elle aussi, presque dans l’indifférence.
Car il faut le souligner, la conséquence de l’hécatombe que vivent les médias, c’est qu’ils ne peuvent plus établir de partenariats avec la PC. Or, sans de tels contrats, c’est la fin de la PC.
L’aide gouvernementale et la Presse canadienne
Plusieurs se sont réjouis de l’aide aux médias annoncée en mars par le gouvernement fédéral. Pourtant, elle est nettement insuffisante. Le gouvernement du Québec a bien donné un coup de pouce aux médias, mais peu ont remarqué que cette aide exclut la Presse canadienne. Pourquoi ? J’émets l’hypothèse que fournir de l’aide à la PC obligerait en toute logique le gouvernement d’aider l’agence QMI propriété de Québecor, ce qu’au gouvernement on préfèrerait ne pas faire... Je souhaite me tromper.
L’ensemble des acteurs de l’écosystème des médias doit trouver une solution à l’impasse financière actuelle. Cela doit inclure la Presse canadienne.
L’information, c’est le nerf de la guerre pour lutter contre le coronavirus…et la désinformation sur l’ensemble du territoire.
Alain Saulnier
Professeur invité
Département de communication
Université de Montréal
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